La survie du prospectus face au digital

prospectus enseignes GSA de la promotion du blanc 2019-2020

Le prospectus demeure encore actuellement le 1er levier de dépense en distribution. Source de trafic, il génère en moyenne 9% de trafic en plus pour les magasins dont 20% issus de nouveaux clients. Il permet également de générer 13% de chiffres d’affaire additionnel pour les points de vente. Les enseignes sont donc très prudentes quant à la suppression radicale de ce poste de dépense qui peut atteindre jusqu’à 20% des dépenses média. Leclerc s’était engagé sur la voie en 2010 proclamant la fin des tracts papiers pour 2020 avant de rétropédaler. Monoprix a annoncé début 2019 la fin de la diffusion de ses prospectus en boîte aux lettres mais ceux-ci restent encore disponible en points de vente tout comme ceux de Franprix.

Le prospectus reste encore un levier de communication puissant sur l’image prix des enseignes et 82% des français y sont encore attachés d’après l’étude ADREXO LSD de Juillet 2019.

Les enseignes évoluent néanmoins vers plus de digitalisation dans la communication de leurs promotions même si ce support ne représente encore qu’à peine 10% des investissements. Avec leurs bases de données d’encartés, de clients drive ou livraison, la voie vers plus d’efficacité, de ciblage et de personnalisation s’ouvre à elles. 

2 tendances de fond sont identifiées.

Première tendance, la digitalisation des prospectus.

Beaucoup d’enseignes ont initié des partenariats comme celui entre Intermarché, Bricomarché et Bricorama avec Armis La start up a mis à disposition du groupement des mousquetaires sa plateforme en SAAS (system as a service) qui exploite l’intelligence artificielle pour numériser leurs prospectus, proposer des campagnes media et d’achat programmatique de displays adaptés.

Les avantages sont nombreux : la digitalisation du prospectus apporte plus de souplesse et de personnalisation via la possibilité de géocibler les offres ou de les baser sur les historiques de commandes par exemple. Moins coûteux que la conception, le développement et la diffusion des supports papiers, le support digital a un impact environnemental moins négatif. A partir des datas disponibles, les enseignes peuvent également monétiser le relai digital de promotions et contenus pour les marques. Enfin des indicateurs de suivi peuvent être facilement et rapidement déployés pour analyser l’impact « drive to store » et conversion à l’achat des promotions.

Le retour sur investissement de la digitalisation d’une promotion peut aller de 1 à 4, estimation des promotions digitalisées de Monoprix par Armis.

Cette technique vient pour l’instant, pour la majorité des enseignes, en complément du support papier et permet de revoir toute la stratégie de mix media.

Ainsi, le partenariat entre Leroy Merlin et Converteo initié en 2019 pour optimiser le mix media du leader du bricolage en est un exemple. L’enseigne a analysé sur ses 140 magasins la contribution des tracts au business en définissant 7 segments de magasins à partir de 50 critères. Sur chacun de ces segments les contributions des investissements marketing au CA (en moyenne de 14% à 40%) ont pu être modélisés ce qui a permis de définir des mix media optimisés par magasin et par catégorie de produits. En 2020, l’enseigne de Bricolage va donc diminuer de 30% sa distribution de prospectus au profit du levier digital.

Si le digital est un bon relai du discours prix de la promotion en complément du papier, il peut également être vecteur d’enrichissement de contenu et donc d’expérience shopper pendant certains temps forts promotionnels.

Deuxième tendance, Le développement d’une expérience omnicanale  pendant les promotions

En grande surfaces alimentaires, le premier temps fort de l’année, une fois l’euphorie de Noël à peine terminée est « Le Blanc ». Ce temps fort promotionnel prendrait son origine au XIXème siècle lorsque Alfred Boucicaud, fondateur du Bon Marché voulu redonner de l’attractivité à son enseigne après la cohue des fêtes de fin d’année pour destocker les stocks de linge de maison à l’époque majoritairement Blanc. Aujourdhui, les enseignes alimentaires perpétuent la tradition en rivalisant de promotions sur les draps et couettes mais également sur les produits de soin du linges (lessives, adoucissants…), catégorie fortement promotionnée toute l’année (+de 35% des ventes en moyenne).

Si l’on compare les temps fort Blanc 2020 de 6 enseignes (Carrefour, Leclerc, Auchan, Casino, Intermarché et Monoprix) on ne peut que constater une course à l’empilage d’unités de besoin et de remise promotionnelles « 1+1 », « le 2ème à-80% »…

J’ai refait le même exercice effectué 3 ans plus tôt par Olivier Dauvers et le constat reste le même : une surenchère de références en promotions.

Nombre d’UB promotionnées en lessives généralistes :

tableau récapitulatif du nombre de promotion de lessives en GSA pendant le temps fort blanc de janvier 2020

Monoprix a uniquement relayé des promotions sur le textile.

L’enseigne qui a néanmoins été au-delà de la simple digitalisation de son prospectus est Carrefour. En effet une véritable campagne omnicanale autour des tendances de linge de maison a été déployée :

Sur le prospectus papier, avec les photos et les conseils des « expertes textiles » (qui sont les chefs de produits et acheteuses de Carrefour) que l’on retrouve tout au long du catalogue.

En magasin, la traditionnelle PLV de l’enseigne et les expositions massives de stock de textile et de lessives est restée assez classique.

Du contenu sur quelques collections très tendances a été posté régulièrement sur Instagram avec la possibilité d’obtenir la référence, son prix et de cliquer pour être redirigé sur le site de Carrefour et finaliser son achat.

post Instagram de @carrefourfrance sur son offre textile blanc
post Instagram de @carrefourfrance sur son offre textile blanc

Sur Facebook, des videos tutos ont également été développées pour réaliser des petits ateliers DIY.

Sur le site de Carrefour France, on peut également découvrir la collection capsule By Petit Pan Paris (non présente sur le prospectus papier).

A noter qu’il n’y a pas eu de contenu développé pour Pinterest qui aurait pu être un bon support pour les collections.

Carrefour a donc développé une vraie expérience d’achat valorisée grâce au digital en relai du prospectus papier et du magasin autour de ses collections textiles pour faire du temps promo « Le Blanc » un moment d’exposition des dernières tendances et pas uniquement de stockage ou d’achat à bon compte. Une bonne première étape dans la voie de la digitalisation du mix marketing de Carrefour, priorité du plan de transformation de l’enseigne pour l’horizon 2022.

 

En conclusion, la digitalisation des prospectus et le développement des expériences omnicanales apparaissent comme des vrais leviers d’activation pour générer du trafic en magasin pendant les promotions et de revoir le mix media en complément ou parfois en lieu et place des prospectus papier en fonction de l’efficacité mesurée.

Sources:

Julie Delvallée, avril 2019, La distribution reste intoxiquée aux prospectus, LSA

Julie Delvallée, septembre 2019, Prospectus: quel impact sur les ventes des enseignes alimentaires, LSA

Caroline Clermont, octobre 2019, Intermarché, Bricomarché et Bricorama digitalisent leurs prospectus avec Armis, ecomercemag.fr

3 réflexions sur « La survie du prospectus face au digital »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *